Le temps blesse, use les corps, emporte les êtres aimés. Reste l’amour vécu, partagé, qu’il faut sauver par le souvenir et l’exemple.
Patrice Angibaud dépouille son écriture, va à l’essentiel, ôte tous les artifices. Chez lui, pas d’esbroufe, de volonté de montrer qu’on est dans le coup, qu’on n’a pas raté le dernier wagon du mouvement des idées et de l’art, qu’on existe dans le petit monde de la poésie.
Le temps est compté et, au bout de la route, l’important est de constater qu’on n’est pas venu pour rien, qu’on n’a pas « perdu (son) temps ». Il est souvent si difficile de vivre, de retrouver « le souffle menacé », « le moi profond » que le quotidien lamine, qu’il ne sert à rien d’embellir le réel par des mots trompeurs. D’ailleurs, ne vaudrait-il pas mieux se taire ? Comment trouver les mots justes pour dire ce que l’on vit vraiment, ce qui bouge à l’intérieur, cette exigence douloureuse portée en silence ?
Parfois, cependant, une page s’ouvre, une belle éclaircie s’inscrit dans le ciel d’ouest. « L’or du jour » est là et Patrice Angibaud nous l’offre avec pudeur, élégance et délicatesse, en un geste amical qui nous aide à vivre.
Une lecture de Georges Cathalo
Patient, attentif et méticuleux sont les trois qualificatifs qui conviennent le mieux à Patrice Angibaud. Outre ses nombreuses participations aux revues actuelles, son œuvre publiée se résume à 3 minces recueils en plus de 30 ans. Ce nouveau livre commence par le chapitre « Passé présent ». À lire les émouvants poèmes qui le composent, on comprendra vite le sens de cette formule. Il s’agit d’évoquer de façon légère mais réaliste l’ascendance parentale du poète (grand-père rescapé de 14/18, père, mère) ainsi que sa propre situation.
Et puis surgit la réaction vitale : « Il est temps de penser résolument / À autre chose / et de regarder / Devant. » Suivent alors des poèmes intimistes où sont évoquées sa compagne et les quatre filles de l’auteur puis dix personnes, « quelques compagnes et compagnons de route ». Dans « Petit détour citadin », on sent bien que Patrice Angibaud ne goûte guère aux joies de la ville et de l’errance urbaine et qu’il lui tarde de retrouver ses repères (repaires ?) ruraux et de respirer « un peu d’air ». Dans la 5° partie intitulée « Envoi », on lira trois poèmes d’une froide lucidité, poèmes à la fois de l’inquiétude et de l’apaisement ce qui n’est pas contradictoire : « Joie silencieuse à l’unisson :/ tu habites tout l’univers ».